Retour sur la logique municipale

La logique municipale consiste en un cadre de référence pour évaluer les projets commerciaux qui sont proposés sur le territoire

Pourquoi parler de la logique municipale et de quoi s’agit-il exactement ?

La logique municipale consiste en un cadre de référence pour évaluer les projets commerciaux qui sont proposés sur le territoire. L’ère du libre marché est désormais révolue. Cela apparaîtra rapidement sous peu. Les motifs qui justifient l’adoption de cette vision du développement urbain sont nombreux. En voici quelques-uns.

  1. L’environnement temporel de la ville est plus étendu que celui de l’investisseur privé. Pensons à valeur foncière d’un terrain dans la ville. Cette valeur est pratiquement infinie et est assurée de croître constamment dans le temps. Pour le privé, la valeur d’un terrain ou de son bâtiment dure le temps de quelques dizaines d’années. Ainsi, la planification du territoire doit tenir compte de ce qui existe et de ce qui peut éventuellement exister.
  2. Une variété de clientèles aux besoins variés. Une ville, c’est un amalgame de clientèles, d’usagers et de participants fort variés et aux exigences toutes aussi différentes. La Ville doit ainsi composer avec de nombreux groupes de pression et elle ne peut céder continuellement aux demandes de chacun. Voilà pourquoi il lui faut une vision du territoire.
  3. La planification est essentielle au développement du territoire. Il ne s’agit pas d’une bagatelle, les enjeux liés à l’occupation du territoire demeurent vitaux à l’essor municipal et ne peuvent se satisfaire d’une gestion ad hoc.
  4. Des pratiques immobilières cohérentes. Quel que soit l’usage, il s’inscrit dans l’univers déjà en formation du parc immobilier urbain. Chaque nouvelle composante doit améliorer la cohérence établie. Sinon, c’est un irritant qui exigera tôt ou tard des correctifs plus lourds (la revitalisation commerciale en est un exemple).
  5. Les usages sont subjugués aux besoins municipaux. Il ne sert à rien d’établir des usages sans lien avec la réalité locale. Ainsi, les fonctions résidentielles, commerciales, institutionnelles, par exemple, ne peuvent se justifier que si elles s’arriment avec les besoins locaux. Des implantations non connectées au contexte urbain ne doivent pas être permises.
  6. Un devoir d’optimisation des actifs immobiliers. C’est l’application de la théorie du highest and best use qui stipule que l’investisseur privé doit rechercher la valeur maximale pour la mise en valeur de son terrain. Cette recherche peut mener à des usages non souhaités par la municipalité. La ville peut aussi appliquer cette démarche à son propre bénéfice. C’est une autre application de la vision (urbaine, commerciale, résidentielle) municipale.

100 % de taux d’occupation commercial. Que faire ?

C’est une situation envieuse, commercialement parlant pour la communauté. Mais le taux d’occupation me représente pas le seul indicateur de vitalité d’une zone d’affaires. Malgré une apparente occupation entière, peut-on déceler la présence de :

  1. Services en rez-de-chaussée ? Leur présence a pour effet d’affaiblir la consistance de l’offre commerciale de produits et de restauration. En effet, ces établissements agissent comme un trou noir cosmique où la clientèle entre mais n’en ressort pas pour fréquenter les commerces environnants.
  2. D’entreprises non complémentaires à la vocation établie ? L’existence de commerces sans lien avec la vocation prédominante a pour effet de diluer l’offre d’affaires. Il est préférable de se départir de ces établissements et d’inviter plutôt d’autres commerces complémentaires pour faire fructifier l’offre d’affaires.
  3. De commerces en fin de vie ? Le propriétaire ne semble pas pouvoir identifier un dauphin ou un preneur pour son établissement. Cette situation risque de devenir une occasion d’insérer un commerce non souhaitable ou non complémentaire. Il faut faire preuve de précaution et envisager un usage de remplacement.
  4. De commerce de faible valeur ? Ce sont ces établissements d’entrée de gamme qui s’insèrent dans des zones d’affaires prospères avec l’espoir de bénéficier de la chalandise de commerces mieux établis. Ces établissements, bien qu’ils puissent s’inscrire dans une fonction de complémentarité, ne cadrent pas par la nature de la qualité de leur offre. Il s’avère souvent préférable de rechercher une version améliorée de ces commerces.
  5. D’immeubles à faible densité ? L’ajout d’un ou deux étages peut faire bénéficier la zone d’affaires en augmentant la densité immobilière et en y invitant des services aux étages. Cela crée des consommateurs supplémentaires pendant la journée et cela augmente aussi le trafic de visiteurs dans la zone d’affaires.
  6. De conversion possible vers le service ? Il s’agit ici de conversion d’étages vers la fonction d’entreprises de service de proximité ou vers des bureaux régionaux.
  7. De commerces sur le point de fermer leurs portes. Qu’il s’agisse de déménagement, de faillites ou de redéveloppement immobilier, il faut s’assurer de maintenir l’intégrité de l’offre commerciale dans le temps. Cela exige une préparation qui anticipe ces changements et qui permet de disposer d’une banque de candidats éventuels pouvant faire leur entrée dans la zone d’affaires.

 

Pourquoi faire une analyse immobilière du territoire

Parler de densité commerciale, de développement durable, de réduction de l’étalement c’est bien beau, mais comment aborder ces situations. Et surtout, comment justifier une quelconque analyse du territoire. Et puis, est-ce nécessaire ? Voici neuf situations qui peuvent attirer votre attention à ce sujet.

  1. L’étalement commercial sur le territoire.

Ce n’est souvent pas dramatique comme situation. Il s’agit simplement d’un éparpillement de quelques entreprises au-delà de la concentration commerciale reconnue. Ces entreprises peuvent s’insérer dans le grain résidentiel et semblent inoffensives.

Le risque consiste en un effet sur les valeurs foncières adjacentes aux commerces. Les résidences peuvent perdre un peu de leur valeur de revente à cause de cet environnement. Et puis, il y a les possibles effets liés à un trafic de clientèles, au stationnement plus actif dans le quartier et aux livraisons de matériel. Enfin, il y a une atteinte légère à l’image du lieu.

  1. Le vieillissement peu harmonieux des artères commerciales.

Les signes d’un vieillissement se manifestent par une mixité d’affaires chaotique. L’affichage montre souvent des difficultés d’adaptation à la réalité, les locaux libres abondent et les immeubles ont un besoin manifeste d’entretien.

Le risque inhérent à cette situation repose sur l’attrait de ces caractéristiques pour des commerces marginaux à la recherche d’un prix minimal d’espace et à des conditions peu contraignantes. Outre une image peu attirante, la clientèle doit se rendre plus loin pour faire ses emplettes basiques.

  1. Absence de vocation commerciale des zones d’affaires.

La présence d’établissements commerciaux ne se traduit pas automatiquement en une vocation. Bien souvent, une suite de commerces non complémentaires illustre davantage soit un cas d’étalement commercial urbain, une zone commercialement chaotique ou même un dépôt commercial, ce qui est un lieu d’entreposage de formules d’affaires sans domicile fixe !

Le risque commercial associé à ce dépôt consiste à favoriser une agglomération de concepts d’affaires recherchant un faible prix de loyer. Il en découle une fortification de la zone passera de l’anecdotique à un noyau commercial désorganisé. Ce type de situation émerge habituellement d’un sédiment immobilier historique qui n’a pas été touché par un redéveloppement ou une mise en valeur du lieu.

  1. Sous-optimisation fiscale des immeubles.

Il s’agit essentiellement d’un usage qui ne produit pas un rendement optimal au plan du revenu foncier municipal. C’est le cas d’une faible densité immobilière, d’usages à peu de valeur et d’entreprises d’entreposage de toutes sortes. Avec le temps, la justification passée de la présence de cet établissement dans la trame urbaine s’étiole pour ne plus être valable. Le contexte actuel justifie en effet une plus forte densité immobilière pour contribuer plus efficacement au rendement foncier urbain.

Les immeubles étiquetés sous ce vocable constituent en réalité des réserves foncières déguisées, car le redéveloppement de ces espaces produit non seulement un ajustement de la programmation immobilière, mais une plus forte valeur foncière aussi.

  1. Impertinence des usages.

La notion d’impertinence demeure une observation liée à l’évolution du territoire. Un usage qui s’implante aux limites de la ville et qui plusieurs décades plus tard se retrouve enserré dans un cadre urbain plus dense peut devenir impertinent. C’est le cas des commerces de roulottes par exemple, des parcs à roulotte aussi, et des activités de vente de cabanons, de vente de matériel agricole, de remorques et autres. Ces activités consomment beaucoup de terrain qui, en milieu urbain n’offrent pas le rendement financier municipal espéré dans leur forme actuelle.

Ces situations peuvent faire l’objet d’une relocalisation dans des sites plus appropriés. Il y a ainsi un coût d’opportunité fiscal intrinsèque au maintien de ces entreprises dans le territoire urbain.

  1. Programmation commerciale incomplète.

Une faible présence commerciale municipale invite les citoyens à se déplacer pour consommer les biens et les services de base dans des sites concurrents. Ce faible pouvoir d’attraction commercial équivaut à l’exportation du potentiel de dépenses discrétionnaire des citoyens vers d’autres destinations. Au final, ce sont des investissements et des emplois que l’on exporte.

Voilà pourquoi la conception d’un bilan commercial s’avère essentiel à toute municipalité pour connaître l’état des besoins à combler localement. Une faible offre commerciale peut aussi réduire les superficies potentielles destinées aux entreprises de service qui peuvent choisir de s’installer là où les consommateurs magasinent.

  1. L’effet commercial déstructurant.

Il existe des situations où la présence d’un usage crée des ennuis, des difficultés au fonctionnement de la trame commerciale. C’est l’effet déstructurant. C’est un usage éloigné de ceux qui prévalent localement. Par exemple, une activité industrielle dans une zone commerciale; un parc de véhicules servant à la vente de pièces, un usage commercial imposant dans une zone résidentielle et autres.

Le risque associé à l’effet déstructurant consiste à ralentir considérablement le renouvellement des usages environnants à cause de l’image négative projetée par l’effet nuisible. L’effet déstructurant représente ainsi une espèce de trou noir foncier.

  1. Un développement commercial rapide.

Malgré une démographie stable, il y a des territoires où le développement urbain s’accélère. Une construction résidentielle soutenue favorise l’émergence de zones commerciales. Mais pour la municipalité peu aguerrie à la gestion du commercial, il y a un enjeu important de cohérence d’affaires, de gestion de la densité et d’organisation du territoire. L’on rencontre aussi cette situation dans les cas de redéveloppement de friches industrielles où un ensemble de nouveaux logements sera desservi par une fonction commerciale intégrée.

Le risque associé à cette situation consiste à créer des concentrations d’affaires mal programmés et peu durables. Cela représente un cas typique de revalorisation immobilière dans une dizaine d’années.

  1. Absence de vision commerciale.

Il y a eu une banalisation des termes de vision et de mission depuis quelques années. Or, l’essence même de ces concepts revêt aujourd’hui plus d’importance que jamais. Dans un contexte urbain de rareté de terrains, de densification immobilière accrue et de redéveloppement, des choix doivent être faits quant à la structure du développement souhaité. L’équilibre délicat entre les fonctions urbaines se précarise davantage dans un contexte de densité urbaine.

Le développement d’une vision commerciale permet de préciser ce que désire la municipalité en termes commerciaux et d’entreprises de services. Cela rend plus aisé la création ou la gestion d’une hiérarchie commerciale urbaine qui sera durable.